Gilles Caron, le conflit intérieur

Acteur et puis témoin, le photoreporter français tombé sur le front a inventé un nouveau langage pour dénoncer l'absurdité de la guerre. A voir au Musée de la Photo de Charleroi.

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En 1959, le jeune Gilles Caron passe son brevet de parachutiste et s'embarque pour l'Algérie. Il sera témoin des nombreuses exactions de l'armée française et passera deux mois en prison pour refus de combattre. On peut, dès lors, parler d'"élément fondateur" pour le futur photoreporter qui décide de passer de l'autre côté de la barrière pour témoigner des situations de guerre. Il couvre tous les grands conflits de l'époque: guerre des Six-Jours, Viêt Nam, Biafra, Irlande du Nord, Mai 68, Printemps de Prague... en photographiant les moments d'"absence" des protagonistes.

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Gilles Caron évite ainsi les effets habituels du photojournalisme et invente son propre langage. On a tous en mémoire le regard insolent lancé à un CRS par le jeune Daniel Cohn-Bendit en plein Mai 68 ou ce soldat perdu dans ses pensées en pleine bataille de Dak To au Viêt Nam. Le photographe s'offre aussi quelques moments de répit en travaillant pour le cinéma et la mode. Ces détours vont marquer son langage formel, notamment dans ses images très "chorégraphiées" de Mai 68.

Le jeune photoreporter a débuté sa carrière avec une vision héroïque du métier mais, peu à peu, prend conscience de la difficulté de témoigner et commence à s'interroger sur le rôle réel du photographe. Il présente alors les symptômes d'un "conflit intérieur" et développe un travail plus introspectif. Le 5 avril 1970, Gilles Caron disparaît sur la route n° 1 qui relie le Cambodge au Viêt Nam dans une zone contrôlée par les Khmers rouges, il avait 30 ans... Bien sûr, on ne sort pas de cette exposition le sourire aux lèvres mais plutôt triste et désabusé: les images d'hier sont les mêmes que celles d'aujourd'hui et le photojournalisme n'y a rien changé. Mais il faut absolument aller voir cette démonstration car Gilles Caron était prêt, lui, à mourir pour témoigner.

> Du 25/01 au 18/05. Musée de la Photographie, avenue Paul Pastur 11 à Charleroi. 071/43.58.10. www.museephoto.be

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