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Médias

Anne-Sophie Lapix, la nouvelle présentatrice vedette du JT de France 2

Un parcours sans faute, un côté «madame perfection»… Anne-Sophie Lapix est la première femme à la tête du JT phare du service public depuis trente-deux ans. Elle fait sa rentrée sur France 2 ce lundi. Vraiment si lisse la journaliste qui récupère la case la plus en vue du PAF?

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Anne-Sophie Lapix, présentatrice du 20-Heures de France 2.

Anne-Sophie Lapix, présentatrice du 20-Heures de France 2.

ALEXANDER KLEIN / AFP

C’est l’événement de la rentrée de France 2: l’arrivée d’une femme au 20-Heures. Une titulaire, pas une remplaçante. Trente-deux ans que ce n’était pas arrivé. Depuis Christine Ockrent. Le 5 juillet dernier, pour sa conférence de rentrée 2017, France Télévisions a donc fait durer le suspense une heure quarante avant de présenter sa nouvelle recrue. Pour deux phrases de quelques secondes.

«Je remercie Delphine Ernotte pour sa confiance et David Pujadas pour sa bienveillance», a lancé Anne-Sophie Lapix, rappelant ainsi le contexte qui a mené cette journaliste et présentatrice de 45 ans à récupérer la case la plus prisée du PAF. Teint halé, sans maquillage surfait, cheveux sobrement attachés, robe à imprimé: elle était parfaite. Comme d’hab. Classe mais pas trop classique. «Je ne peux rien vous dire sur le 20-Heures, même pas la date. Je ne peux rien vous dire à part qu’il y a un nouveau décor et que je fais partie du décor», a-t-elle ajouté, avant de s’éclipser. Et rien n’a filtré. Sa rentrée s’effectuera ce lundi 4 septembre. Très pro, Anne-Sophie Lapix contrôle sa communication, se tient à distance, refuse tout entretien. Pudeur? Superstition?

Anne-Sophie Lapix, ambitieuse sans étiquette

Mais pourquoi lui a-t-on offert le fauteuil suprême? C’est la présidente de France Télévisions en personne, Delphine Ernotte, qui a fait le choix inattendu d’évincer l’indétrônable David Pujadas. «Il y avait un sentiment de défiance qui montait contre lui en interne et un besoin de renouveau», se justifie-t-elle auprès de Challenges. D’une pierre deux coups, cela lui permet aussi de féminiser et rajeunir une «télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans», son obsession. «Quand Ernotte lui a proposé, Anne-Sophie était assez réticente, assure son compagnon d’antenne, Patrick Cohen. Elle a un peu hésité à accepter la proposition, c’est beaucoup de contraintes et une exposition très forte.» Le pari est sacrément risqué, car le JT de France 2 ne s’est jamais aussi bien porté. Sur la saison 2016- 2017, la part d’audience s’est élevée en moyenne à 20,6% en semaine, soit plus de 4,8 millions de téléspectateurs, selon Médiamétrie. Seulement 800.000 spectateurs d’écart avec son rival de toujours: le 20-Heures de TF1.

Anne-Sophie Lapix

Lors de la conférence de rentrée de France Télévisions, le 5 juillet, entre les journalistes Marie-Sophie Lacarrau et Leïla Kaddour-Boudadi. Sobre, elle ne laisse rien filtrer sur sa vision du 20-Heures.

Yannick Letranchant, le nouveau patron de l’info, tente de relativiser le défi: «L’idée est de rester stable par rapport à notre audience.» Il dessine par petites touches ce qu’il attend d’Anne-Sophie Lapix: tout sauf du Pujadas. Des interviews punchy, là où le quinqua donnait trop la parole à ses invités, de nouvelles rubriques, du «travail d’équipe», là où des journalistes reprochaient à Puj’ de «se la jouer trop perso». Dès juillet, elle a bossé d’arrache-pied avec les équipes pour préparer la rentrée. Et éviter «l’effet Ferrari», l’autre belle blonde de l’info, à qui on la compare souvent: soit beaucoup de presse à son arrivée au JT de TF1, puis des audiences en chute libre jusqu’à l’abandon définitif.

Mais qu’est-ce qui l’a décidée à dire oui? Ambitieuse, elle n’est pas carriériste. En 2008, elle affirmait dans Closer: «Mon objectif n’est pas de présenter la grand’ messe du JT». Ses proches collaborateurs confirment qu’elle n’avait pas de plan de carrière, elle se plaisait à C à vous, où elle avait pris le virage du divertissement. «Avant de nous rejoindre, elle était plutôt formatée JT, rappelle Stéphanie Secqueville, rédactrice en chef adjointe de l’émission. Elle a dû remplacer Alessandra Sublet pour qui le poste était taillé.» Certains doutent de sa capacité à revenir à l’info pure, après ces années passées à faire de l’infotainment. Anne-Sophie Lapix n’a pas ces états d’âme. Elle revient simplement sur ses pas. Sans se préoccuper des étiquettes. «Elle a mesuré les risques et le changement d’image a été bénéfique, contextualise Laurent Drezner, ex-directeur des rédactions de LCI, passé chez BFMTV. Elle se laisse porter par les événements.»

Le rêve d’enfant d'Anne-Sophie Lapix

Et par sa passion du journalisme? Un rêve d’enfant. A 10 ans, elle monte un canard, Le Monde vu par les enfants, avec une bande de copines, tape ses textes à la machine à écrire et vend la feuille de chou 5 francs dans les rues de Saint-Jean-de-Luz. Au CFJ, une des écoles les plus prisées de France, elle s’oriente vers la présentation. «Nous étions en spécialité télé, on avait même monté une petite troupe de théâtre, c’était notre truc», raconte Nathalie Renoux, présentatrice sur M6 et W9, et amie depuis cette époque. «Elle n’a pas marché sur les autres pour y arriver, la place lui était acquise», se souvient une autre camarade. En stage de fin d’études à TV8 Mont-Blanc, elle remplace au pied-levé le présentateur absent. «Mon premier journal était une catastrophe, se gausse-telle dans les colonnes du Parisien. J’avais les cheveux sales, un col rouge, 24 ans et de bonnes joues. On aurait dit un poisson lune.»

Capture d’ecran France 5

Légende:  En 1999, en stage, elle présente le JT de TV8 Mont-Blanc. Cette première était « une catastrophe »,se souvient-elle sur France 5.

Le baptême du feu aura lieu chez Bloomberg TV, avec sa camarade Nathalie. «Nous faisions les journaux avec tout ce qui n’était pas lié à l’économie. Nous étions peu regardées du coup, mais autonomes. Cela nous a permis de parfaire notre apprentissage sans la pression de l’audience», retrace cette dernière. Anne-Sophie travaille ses tournures de phrases, la respiration, la gestuelle. Jusqu’à ce que Jean-Claude Dassier, vice-président de la toute jeune LCI, la repère. «Je cherchais des personnalités physiques, un mélange de bon journaliste et de présence à l’écran. J’ai organisé un transfert très rapide, se souvient l’homme de télé. On recevait quinze invités par jour, ça lui a permis de se familiariser avec l’interview». Plus tard, à M6, où elle présente Zone Interdite et lance le 12:50, elle fait le job. Mais c’est avec Dimanche+, sur Canal, qu’elle commence à briller. Quand elle part pour la télévision publique, la chaîne cryptée lui intente un procès, qui ressemble plus à une tentative de la retenir.

« Bosseuse et disciplinée »

Car Anne-Sophie ne fait pas de vague. Elle a un côté «miss perfection». Née en 1972 au Pays basque d’un père promoteur immobilier et d’une mère psychologue, divorcés très tôt, elle est restée proche de sa mère et de sa soeur. Bonne élève, elle a passé une enfance choyée face à l’océan, entre cours de danse classique et de musique. Elle est gentille, tout le monde le dit. Même si ce n’est pas la plus sociale. A l’école de journalisme, elle préfère se concentrer sur son travail que traîner aux apéros.

«Enorme bosseuse, elle est très disciplinée. Première arrivée le matin à 9h, elle fait souvent sa pause déjeuner devant l’ordinateur», atteste Clément Delbosc, son fidèle assistant. Méticuleuse, elle lit les ouvrages de tous ses invités, des romans aux livres politiques. Acharnée, elle prépare beaucoup ses émissions pour miser ensuite sur le naturel, la présence à l’écran. «C’est le contraire de quelqu’un de nonchalant, de désinvolte, comme il y en a beaucoup dans le milieu», atteste Patrick Cohen.

Politiquement correcte

Par souci éthique, elle refuse les déjeuners avec les personnalités politiques. « Elle est pourtant dans le système, glisse un collaborateur, ce n’est pas une révoltée. » Anne-Sophie Lapix est donc la femme parfaite. Très politiquement correcte. Elle s’est engagée dans une association sur l’autisme, une autre pour l’accès à l’éducation au sud du Maroc. Elle a aussi servi la soupe au Banquet des 5.000, contre le gâchis alimentaire. Avocate de la liberté de la presse, elle a défilé le 11 janvier 2015 lors de la marche républicaine en soutien aux victimes de Charlie Hebdo. Le chroniqueur Daniel Schneidermann regrette juste qu’elle soit «très mainstream» dans le choix de ses sujets. Trop lisse? Son ami Laurent Drezner met au point: «C’est une bonne élève oui, mais un bon soldat non. Elle sait s’imposer si nécessaire.»

En réalité il y a bien une patte Lapix. Un ton sobre, mais incisif. Elle ne lâche rien, comme dans l’interview de Marine Le Pen qui l’a faite connaître auprès du grand public en 2012. Elle questionne plutôt cinq fois qu’une la patronne du FN qui a bâclé ses calculs budgétaires. Tenace sans jamais gêner l’auditeur. Elle porte une attention particulière aux chiffres, comme autant d’arguments efficaces face au baratin des politiques. Ce qui lui vaut le prix Philippe-Caloni du meilleur intervieweur en 2012. «Pugnace dans la conduite de l’entretien, sans pour autant se départir de son calme courtois, elle sait interroger ses interlocuteurs sur le fond des dossiers», explique alors le jury.

Capture d’écran Canal+

Légende: Face à Marine Le Pen, en 2012, sur TF1. Une interview incisive, qui la fait connaître au grand public.

Très secrète, elle n’exprime quasiment jamais ses convictions devant ses collègues. «Parfois, elle ressentait une antipathie forte pour des personnalités politiques dont elle trouvait les convictions factices, fabriquées. Mais des gens de tous bords», se souvient Patrick Cohen. Difficile de la situer. Certes, le Front national l’agace, mais elle le traite comme n’importe quel parti, en débusquant les imprécisions, sans juger le fond. Un ami dit qu’elle vote «sûrement au centre-gauche». Pourtant, en novembre 2016, lorsqu’elle invite Emmanuel Macron sur le plateau de C à vous, elle ne l’épargne pas. Elle se moque du titre pompeux de son ouvrage Révolution, de sa photo en quatrième de couverture. «J’ai dû traquer les mesures, car on vote quand même pour des idées, pas pour une bonne mine», lance-t-elle en quête de précisions sur le programme.

Jardin privé

En coulisses, elle peut sortir hors de ses gonds face au sexisme. «Ça l’énerve énormément, elle déteste être traitée différemment d’un homme», certifie Laurent Drezner. En mai dernier, un intervenant des Grandes Gueules sur RMC a sous-entendu, sous couvert d’humour, qu’elle devait sa promotion au 20-Heures à son mari, «un généreux donateur de la campagne de Macron». Anne-Sophie Lapix a appelé fissa les animateurs pour obtenir un démenti.

Pas touche non plus à sa vie privée, son cocon. Anne-Sophie Lapix se tient autant que possible éloignée des médias, consciente que la télévision et la célébrité peuvent brûler. «Elle est secrète, pudique dans ses sentiments et son jardin secret», ajoute Nathalie Renoux. En 2010, elle a poursuivi en justice les paparazzis qui ont pris en photo son mariage avec le publicitaire Arthur Sadoun, nouveau président du directoire de Publicis. Loin des paillettes, elle s’est réfugiée tout l’été à Saint-Jean-de-Luz, où elle possède une maison, avec ses deux enfants, issus d’un précédent mariage. Star locale, elle s’y est faite discrète et a simplement posté sur Instagram des photos de la mer, des fêtes de Bayonne et du bal des pompiers.

Le mariage d'Anne-Sophie Lapix

Légende: Le 26 juin 2010, à la sortie de son mariage avec Arthur Sadoun, à Paris. Très discrète sur sa vie privée, elle ne tolère aucun sous-entendu sexiste sur sa réussite.

Son époux refuse les interviews la concernant. On dit le couple mondain, mais il s’affiche peu, se montrant seulement à Roland-Garros. Tous les mois, ils reçoivent à dîner dans leur maison de maître du XVIe arrondissement parisien des personnalités du monde économique, de la stature de Stéphane Richard ou Alexandre Bompard. Anne-Sophie Lapix serait-elle trop proche des milieux économiques? «Je ne sais pas avec qui elle dîne, mais elle m’a toujours laissé inviter qui je veux à C vous, dont les patrons de la SNCF, Free ou Leclerc», assure Stéphanie Secqueville. Pour l’instant, son parcours déjoue tous les procès d’intention. Son mentor, Jean-Claude Dassier, en est certain: «Elle est armée, préparée à ce qui l’attend.»

Le parcours d'Anne-Sophie Lapix

1972 Naît à Saint-Jean-de-Luz.

1996 Diplômée de l’IEP de Bordeaux et du CFJ à Paris.

1996 Présente les JT sur Bloomberg TV, puis sur LCI en 1999.

2005 Rédactrice en chef de Zone interdite.

2006 Joker de Claire Chazal au 20-Heures de TF1. Coprésente Sept à huit.

2008 Dimanche+ sur Canal +.

2010 Épouse Arthur Sadoun.

2013 Anime C à vous.

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