Arcueil : l’Inconnue de la Seine dope la célébrité de la société de moulage

L’entreprise Lorenzi possède certainement le plus ancien modèle de l’Inconnue de la Seine, un masque mortuaire remontant au début du XXe siècle. Depuis un article du New-York Times sur cette œuvre, les ventes s’envolent.

 Arcueil, jeudi. L'atelier Lorenzi possède certainement le modèle originel de l'Inconnue de la Seine, un masque mortuaire qui a inspiré de nombreux artistes.
Arcueil, jeudi. L'atelier Lorenzi possède certainement le modèle originel de l'Inconnue de la Seine, un masque mortuaire qui a inspiré de nombreux artistes. A.-L. A.

    Le visage est serein, le sourire doux... Difficile de croire que le masque sous nos yeux est celui d'une jeune femme morte il y a presque un siècle et demi. Cette beauté, ce sourire si énigmatique, souvent comparé à celui de Mona Lisa, ont fasciné bon nombre d'artistes comme l'écrivain autrichien Rainer Maria Rilke, Louis Aragon, Man Ray, Jules Supervielle... qui s'en sont tous inspirés dans l'une de leurs œuvres.

    En juillet dernier, l'article d'une journaliste dans le New York Times sur l'Inconnue de la Seine a dopé les ventes des reproductions de l'Atelier Lorenzi, l'une des plus anciennes, si ce n'est la plus ancienne entreprise de moulage statuaire en France, située à Arcueil. «Avant, on en vendait six-huit par an. Et là, on en a expédié douze aux Etats-Unis et deux en France depuis juillet!», se réjouit Laurent Forestier-Lorenzi, le gérant, qui n'en revient toujours pas. « Moi, je pensais que ça allait faire une brève. Au final, il y a eu une demi-page ! J'étais très surpris. » Une publicité bienvenue alors que l'entreprise se relève d'une situation financière délicate qui a bien failli aboutir à la fermeture de ce lieu exceptionnel, créé à la fin des années 1930.

    Arcueil, jeudi. Les mouleurs à l'œuvre. Valéry, à gauche, moule le corps de Jean-Paul Gaultier pour le Musée Grévin. (LP/ A.-L. A.)

    Entre 1200 et 1500 moules sont stockés dans cet ancien relais postal et un hangar situé dans les Yvelines. Ils servent aussi bien à reproduire des statues en plâtre ou en résine pour des musées, que pour des films, des parcs d'attractions, des défilés de haute couture, des magasins de luxe...

    Il y a cinq ans, un article était déjà paru sur cette belle inconnue dans le Guardian. « Cet engouement est incroyable ! », reprend le gérant. Il faut dire que les légendes qui circulent sur cette statue sont dignes des plus beaux scénarios. A la fin du XIXe siècle, une jeune femme se sachant condamnée par la tuberculose, maladie mortelle à cette époque, se serait suicidée en se jetant dans la Seine. Un employé de la morgue, captivé par sa beauté et son sourire, aurait demandé à un mouleur d'en prendre l'empreinte.

    La femme la plus embrassée du monde

    «On possède un modèle ancien qui remonte à 1895 ou 1900. On le garde précieusement, c'est notre matrice. C'est mon grand-père qui a dû le faire. Est-ce lui qui est allé à l'institut médico-légal ? Je ne peux pas l'assurer», reconnaît Laurent Forestier-Lorenzi. L'atelier-boutique, créée en 1871 par l'arrière grand-père, Michele, rue Racine à Paris, a depuis été abandonné.

    L'ancienneté du modèle Lorenzi recouvert au fil du temps d'un démoulant de couleur marron garantit une authenticité particulière. Le prix varie de 127 € pour la version en plâtre blanc à 170 € en plâtre patiné.

    Objet de tous les fantasmes, l'Inconnue de la Seine a également été ressuscitée d'une manière plutôt originale. Elle a en effet servi de modèle pour le visage de Resusci Anne, un mannequin créé dans les années 60 pour apprendre les gestes de réanimation, ce qui fait d'elle la femme la plus embrassée au monde.

    Pas de fascination chez Valéry et José, deux mouleurs de la société, mais Philippe, qui la reproduit souvent, n'est pas insensible : «Je la trouve belle. Ce n'est pas juste un moulage».

    Atelier Lorenzi, 60 avenue Laplace. www.lorenzi.fr