Biodiversité Combien y a-t-il de loups en France ?

Un loup a été observé en Ile-de-France début novembre. Une première dans la région depuis le retour du canidé en France et un signe que ce grand prédateur regagne du terrain dans l'Hexagone. Si l'OFB dénombre aujourd'hui 624 canidés sur le territoire, les opposants aux loups dénoncent un comptage selon eux inexact et des attaques de troupeaux trop nombreuses.
Juliette MITOYEN - 29 nov. 2021 à 19:00 - Temps de lecture :
 | 
Photo d'illustration Jean-Christophe VERHAEGEN/AFP
Photo d'illustration Jean-Christophe VERHAEGEN/AFP

Pour la première fois depuis son retour dans l'Hexagone au début des années 1990, un loup a été aperçu en Ile-de-France. Le 11 novembre, un chasseur de Blaru, dans les Yvelines, a photographié l'animal au petit matin. Un pelage gris-roux, des oreilles rondes... Pour l'Office français de la biodiversité (OFB), cela ne fait aucun doute : il s'agit bien d'un loup gris.

Éradiqués en France en 1937, les loups sont revenus naturellement dans l'Hexagone depuis l'Italie en 1992. D'abord implantés dans le parc du Mercantour, ils ont petit à petit recolonisé les Alpes, mais également une partie du sud du Massif central et des Pyrénées orientales, et même quelques zones dans le nord-est du pays, notamment en Lorraine. Aujourd'hui, le loup gris s'aventure de plus en plus loin, jusqu'à avoir été observé ces derniers mois et dernières années en Vendée, en Charente, en Normandie ou encore en Indre-et-Loire.

Ce contenu est bloqué car vous n'avez pas accepté les cookies et autres traceurs.

En cliquant sur « J’accepte », les cookies et autres traceurs seront déposés et vous pourrez visualiser les contenus (plus d'informations).

En cliquant sur « J’accepte tous les cookies », vous autorisez des dépôts de cookies et autres traceurs pour le stockage de vos données sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Vous gardez la possibilité de retirer votre consentement à tout moment en consultant notre politique de protection des données.
Gérer mes choix

624 loups en France

Si les observations faites dans l'ouest du pays attestent de la présence de loups solitaires et non de meutes, l'Office français de la biodiversité a confirmé en juillet dernier que les populations de ce grand prédateur étaient en augmentation dans l'Hexagone. A la sortie de l'hiver 2020-2021, l'OFB a estimé que 624 loups gris adultes vivaient en France, contre 580 en 2019, soit une progression de 7 % en un an. Pour rappel, le plan national loup prévoyait d’atteindre seulement le seuil de 500 individus en 2023, seulement.

Ce contenu est bloqué car vous n'avez pas accepté les cookies et autres traceurs.

En cliquant sur « J’accepte », les cookies et autres traceurs seront déposés et vous pourrez visualiser le contenu.

En cliquant sur « J’accepte tous les cookies », vous autorisez des dépôts de cookies et autres traceurs pour le stockage de vos données sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Vous gardez la possibilité de retirer votre consentement à tout moment en consultant notre politique de protection des données.
Gérer mes choix

Malgré les observations de loups de plus en plus fréquentes loin des zones montagneuses, la progression de la population a été moins marquée en 2021 qu'en 2020, année durant laquelle le nombre de canidés avait augmenté de 9%. "Il y a un tassement de l’accroissement de l’effectif de population" de cette espèce protégée en France et en Europe, mais "il ne faut pas être alarmiste", a commenté en juillet dernier Nicolas Jean, chargé du suivi des grands prédateurs à l’OFB.

Les explications à ce ralentissement de la hausse de la population sont multiples : "Une des plus probables est l’impact des tirs car on prélève 20 % de l’effectif" des loups, a souligné Nicolas Jean. Ce pourcentage comprend les tirs officiels pour protéger les troupeaux mais aussi les actes de braconnage, ce à quoi s’ajoutent les morts dues à des maladies et aux collisions avec des voitures.

Pourquoi les éleveurs et chasseurs contestent-ils le comptage de l'OFB ?

Si l'OFB évoque le nombre de 624 loups et assure qu'un ralentissement de l'accroissement de la population est en cours, ces données ont récemment été contestées par les éleveurs et les chasseurs. Certains évoquent même un nombre de loups allant jusqu'à plusieurs milliers de spécimens.

Dans un courrier commun adressé fin octobre à Jean Castex, Christiane Lambert, responsable de la FNSEA, Michèle Boudoin, de la Fédération nationale ovine (FNO), et Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), ont pointé du doigt des comptages selon eux inexacts.

"Les chiffres de la prédation en France sont accablants", ont-ils écrit. En 2020, près de 12.000 animaux d'élevage ont été tués dans 39 départements au cours de 3700 constats d’attaques attribuées aux loups. La grande majorité de ces attaques ont eu lieu en Auvergne-Rhônes-Alpes.

Ce qui représenterait environ 20 brebis et autres animaux tués en 2020 par loup adulte, selon les chiffres de l'OFB. Mais les éleveurs et les chasseurs estiment que le nombre d'attaques est trop élevé pour qu'il n'y ait "que" 624 loups dans l'Hexagone. Selon les opposants à la présence du loup, les quotas d'abattage annuels devraient donc être relevés.

"L’Office français de la biodiversité nous ment", a ainsi déclaré au Dauphiné libéré Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Elle réclame aujourd'hui un "comptage contradictoire" du nombre de canidés en France par les éleveurs et les chasseurs, estimant que les moyens de l'OFB pour évaluer la population de loups sont trop limités. Avec un objectif : pouvoir abattre plus d'individus tous les ans.

Des loups hybrides ?

C'est un argument récurrent des éleveurs pour critiquer la présence du loup dans les alpages. Selon les opposants au prédateur, la majorité des loups français seraient en réalité des hybrides, croisés avec des chiens. Or, selon la convention de Berne grâce à laquelle le loup gris bénéficie d'une protection internationale, l'abattage de spécimens hybrides est autorisé.

Mais selon l'OFB, ce phénomène d'hybridation entre les chiens et les loups serait en réalité très limité. Selon les données génétiques recueillies par l'agence gouvernementale, "le taux d'hybridation dans la population de loups est de l'ordre de 2,5% pour l'hybridation récente et de 6% pour l'hybridation ancienne". Des pourcentages "conformes à ceux relevés dans d'autres pays d'Europe".

"Notre modèle est très robuste scientifiquement", assure l'OFB

Du côté de l'Office français de la biodiversité, on reste formel : 624 loups vivent actuellement en France, a maintenu l'agence après les accusations de comptage inexact de la part d'éleveurs et d'agriculteurs. "Notre modèle est très robuste scientifiquement, il a été reconnu comme étant très fiable par différentes instances scientifiques", a fait valoir auprès de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes Loïc Obled, directeur général de l'OFB.

L'évaluation de la population de loups se fait depuis 15 ans conjointement entre l'OFB et le CNRS. Elle repose sur un suivi participatif mené par un réseau de 4000 personnes - membres d'ONG, agriculteurs, travailleurs de l'OFB ou de l'ONF, agents des parcs nationaux - qui prélèvent sur le terrain les traces de la présence du loup (poils, crottes, carcasses et autres) qui sont ensuite analysées génétiquement. "Ce sont ces signatures génétiques individuelles capturées au cours du temps et des collectes d'échantillons sur le terrain qui, par application de modèles statistiques", vont permettre de quantifier la population de loups, explique l'OFB sur son site internet.

Certes, "dans la nature, le comptage de tous les individus d'une espèce est impossible", rappelle l'OFB, qui concède qu'on ne peut être certain d'avoir compté la totalité des loups ou de ne pas avoir compté un même individu plusieurs fois. Ce modèle de comptage peut donc "montrer ses limites s'il n'y a pas assez de personnes pour récolter les indices, si ces indices ne sont pas fiables ou parce que les conditions deviennent plus difficiles avec l'expansion du loup sur le territoire", juge Loïc Obled.

Mais l'agence est formelle : la marge d'erreur se situe aujourd'hui entre 414 et 834, avec une très forte probabilité d'avoir une population égale à 624. Et donc une impossibilité d'avoir plusieurs milliers de loups sur le territoire français.

L'OFB est "un établissement public d'État qui a un devoir d'impartialité", rappelle par ailleurs Loïc Obled, appuyant que rien n'est fait en interne pour falsifier le nombre de canidés sur le sol français.

Répartition du loup en France (données de 2019) - OFB
Répartition du loup en France (données de 2019) - OFB

Bientôt des comptages avec des drones

Des initiatives d'estimation de la population lupine déconnectées de celles de l'OFB pourraient ainsi voir le jour. Dans les Aravis, entre la Savoie et la Haute-Savoie, ou encore dans la Drôme, des projets de surveillance et de comptage de canidés grâce à des drones seront bientôt lancés, sous l'impulsion de la Coordination rurale, syndicat agricole.

L'OFB assure de son côté qu'elle analysera "sur des bases scientifiques" les résultats de ces opérations.

En attendant, la bataille entre pro et anti-loups continue de faire rage. Avec parfois, à la clé, de tragiques événements. Fin septembre, dans les Hautes-Alpes, la dépouille d'une louve ensanglantée a ainsi été retrouvée pendue devant la mairie du village de Saint-Bonnet-en-Champsaur. "Réveillez-vous, il est déjà trop tard", était-il inscrit à côté du corps de l'animal. Un acte de braconnage vis-à-vis d'une espèce protégée, pour lequel les sanctions peuvent grimper jusqu'à 150.000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement.

Newsletter. Ici on agit
Chaque mois

Recevez une sélection des initiatives locales en faveur de l'environnement.

Désinscription à tout moment. Protection des données