Gustave Caillebotte, impressionniste oublié

"Partie de bateau" a rejoint récemment les murs du musée d'Orsay, à Paris.
"Partie de bateau" a rejoint récemment les murs du musée d'Orsay, à Paris.
Caillebotte, impressionniste oublié
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Gustave Caillebotte, impressionniste oublié

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Il est l’un des impressionnistes les plus radicaux, a près de 500 œuvres à son actif et était passionné par les jardins. On ne parle pas de Claude Monet, mais de Gustave Caillebotte, dont les toiles sont longtemps restées en privé. Ces derniers mois, le musée d’Orsay vient d’en accueillir deux.

C’est un fédérateur du groupe impressionniste, “très connu de son vivant, autant que ses autres amis impressionnistes comme Monet, Renoir, Degas, Pissarro et les autres”, situe le conservateur au musée d’Orsay Paul Perrin.

Gustave Caillebotte, c’est d’abord un peintre prolifique, malgré le fait qu’il n’a consacré intensément à la peinture qu’une quinzaine d’années de sa vie. Il est issu d’un milieu très aisé puisque la famille Caillebotte a fait fortune en vendant des draps aux armées de Napoléon III. Cet argent, il l’investit en achetant les œuvres de ses amis et en organisant des expositions. Il est donc un collectionneur qui veut faire briller le collectif impressionniste. “Mais ça ne veut pas dire qu'il se mettait en retrait puisqu'en fait, dans ses expositions, il montre son propre travail", explique le Directeur de la conservation et des collections du musée.

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Une vie, une oeuvre
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Ambitieux, déterminé, il est central dans l’histoire de ce courant, et c’est aussi par sa peinture à lui : moderne, novatrice, réaliste. Il peint la rue, Paris, les ouvriers, ou encore le canotage ou la baignade. Par exemple, dans Partie de bateau, il peint un homme, habillé de manière élégante, qui rame sur l’Yerres, une rivière qui passe par le village éponyme de l’Essonne, où la famille Caillebotte a une propriété.

Le sujet, la composition, la texture de l'eau : dans "Partie de bateau", Caillebotte propose une toile novatrice.
Le sujet, la composition, la texture de l'eau : dans "Partie de bateau", Caillebotte propose une toile novatrice.
© AFP - "Partie de bateau", Gustave Caillebotte, 1878

Le personnage principal n'est pas en costume de canotage, remarque Paul Perrin. Il est en tenue de ville avec son chapeau haut de forme. Caillebotte, là, nous montre un Parisien qui vient le week end, un dimanche, qui est très représentatif de cette société des loisirs”.

“Les Raboteurs de parquet” refusé au Salon

Il s’inspire aussi de la photographie, qui se développe à l’époque, et recrée une impression de grand angle. Le traitement de l’eau rappelle la technique des petites touches rapides en vogue chez les impressionnistes. Il casse les codes et son travail ne plaît pas à tout le monde. La critique d’art considère son travail comme provoquant, radical. En 1875, les Raboteurs de parquet son premier chef-d'œuvre, est refusé au Salon, une exposition annuelle d'œuvres agréées par l’Académie des Beaux Arts.

Trois ouvriers s'affairent à raboter un parquet : en 1875, "Les Raboteurs" est refusé au Salon, l'exposition annuelle officielle de l'Académie des Beaux-Arts.
Trois ouvriers s'affairent à raboter un parquet : en 1875, "Les Raboteurs" est refusé au Salon, l'exposition annuelle officielle de l'Académie des Beaux-Arts.
- "Les Raboteurs de parquet", Gustave Caillebotte, 1875

La cause : un sujet trop moderne, la représentation d'ouvriers au travail, et le cadrage en plongée, un peu étrange à l’époque. Les Raboteurs est présenté l’année d’après à la deuxième exposition des impressionnistes, où il fait sensation.

Un testament qui dessert sa postérité

S’il est connu pendant son existence, Caillebotte n’aura pas le privilège d’avoir une postérité à sa mesure. En tout cas, pas tout de suite. Il meurt jeune, à l'âge de 45 ans, et ne connaîtra pas la gloire des impressionnistes. Et puis, son testament empêche sciemment la diffusion de ses œuvres. “Au moment de sa mort, son testament dit qu'il laisse à l'État sa collection, retrace le spécialiste de l’impressionnisme. Mais sa collection ne comprend pas d'œuvres de lui.” C’est le fameux “legs Caillebotte”. Lorsque les impressionnistes entrent au musée grâce à lui, presque aucune œuvre propre ne se trouve dans cet ensemble. Seuls deux tableaux vont intégrer des musées, à la demande de son frère Martial, et d’Auguste Renoir, qui est son exécuteur testamentaire.

Redécouvert aux États-Unis

Entre la fin du19e siècle et l’après-guerre, on se souvient de Caillebotte avant tout comme d’un grand donateur et collectionneur. Il faut attendre les années 1970 pour qu’il soit redécouvert, d’abord de l’autre côté de l’Atlantique. Un conservateur américain, Kirk Varnedoe, œuvre pour faire redécouvrir l’artiste. C’est chose faite à travers deux expositions, à Houston en 1976 et à Brooklyn l’année suivante. En France, il faut attendre 1994 pour qu’une exposition lui soit consacrée, au Grand Palais. Tout récemment, deux de ses toiles ont agrandi la collection Caillebotte du musée d'Orsay : Les Soleils, jardin du Petit Gennevilliers et Les Raboteurs de parquet. Juste à temps : l’année 2024 marque les 130 ans de sa mort et les 150 ans de l’impressionnisme.

À écouter : Caillebotte exhumé
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