Logo vl

Il avait violé son neveu

Reconnu coupable de pédophilie, l’évêque belge Roger Vangheluwe renvoyé de l’état clérical

Il avait gardé son titre et continuait à toucher la pension afférente. Jeudi, le pape François a mis fin à cette mascarade.

Roger Vangheluwe (à droite) vit aujourd’hui dans communauté de moines bénédictins dans la Sarthe, en France.
Roger Vangheluwe (à droite) vit aujourd’hui dans communauté de moines bénédictins dans la Sarthe, en France. © PHOTO: Wikipédia

Ite missa est. La messe est terminée pour l’ancien évêque de Bruges Roger Vangheluwe renvoyé jeudi de l’état clérical par le pape François, quatorze ans après avoir reconnu les faits de pédophilie dont il s’était rendu coupable. Le prélat avait violé son neveu mineur de 1973 à 1986. Contraint à démissionner en 2010, il avait cependant gardé son titre et sa pension d’évêque.

Lire aussi :

Ce non-sens cruel avait été révélé l’été dernier par «Godvergeten», une émission de la chaîne publique flamande VRT qui avait tendu le micro aux victimes de prêtres pédophiles. Leurs témoignages avaient littéralement soulevé le cœur de la Flandre où la grande majorité des faits de pédophilie impliquant le clergé s’étaient produits. Le maintien du statut clérical de Roger Vangheluwe avait été ressenti comme une profonde injustice. Le Premier ministre Alexander De Croo était monté au créneau pour que l’Église catholique y mette bon ordre.

Prière et pénitence

Il aura pourtant fallu attendre ce 21 mars pour que le pape François renvoie de l’état clérical Roger Vangheluwe. Ce dernier a dit s’en remettre à la décision du souverain pontife, demandant de pouvoir résider dans un lieu de retraite, «sans plus aucun contact avec le monde extérieur, afin de se dédier à la prière et à la pénitence». Depuis sa démission en 2010, il a vécu à l’abbaye de Solesmes, une communauté de moines bénédictins sise dans la Sarthe, en France. Selon l’agence Belga, un accord semble avoir été conclu pour qu’il puisse continuer d’y habiter, en retrait de la société.

Le porte-parole de l’Église catholique de Belgique Tommy Scholtès a expliqué que la décision papale prive Roger Vangheluwe de son poste d’évêque et de sa pension, mais qu’il continue à appartenir à la communauté des chrétiens.

«Une décision juste mais tardive»

L’Église estime avoir fait sa part du travail. «Le Saint-Père réitère sa proximité avec les victimes d’abus et son engagement pour que ce fléau soit éradiqué de l’Église», insiste la nonciature apostolique. En charge du dossier, l’évêque de Tournai Guy Harpigny a affirmé que c’était «la bonne décision à prendre». Il a expliqué comment, ces derniers mois, les évêques de Belgique avaient fait pression sur le pape pour aboutir à cette issue.

Lire aussi :

Mais pour le Premier ministre Alexander De Croo qui a porté personnellement ce dossier, si cette décision est «juste», elle est aussi «trop tardive». Toutefois, «elle constitue une étape nécessaire pour les victimes».

En première analyse, on pourrait estimer qu’un cadeau a été fait à Roger Vangheluwe au cours des quatorze dernières années. En réalité, le droit fut longtemps de son côté. Un justiciable ne peut en effet être à nouveau poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif. Or Vangheluwe avait été condamné par le Vatican en 2010 à vivre en retraite pour expier ses fautes. Côté pénal, c’est-à-dire pour la justice des hommes, les faits relatifs au viol de son neveu mineur étaient à l’époque déjà prescrits.

Il avait récidivé

Un nouvel élément a cependant changé la donne: la découverte, lors d’une perquisition en 2012, d’images à caractère pornographique – et pédopornographique selon le quotidien De Morgen – dans l’ordinateur de Roger Vangheluwe. Perseverare diabolicum… Le prélat brugeois avait récidivé. Sous la pression du gouvernement belge, le pape a donc demandé aux évêques belges de lui transmettre un nouveau dossier. Vangheluwe a pu ainsi être exclu de l’Église.

Le sort réservé à Roger Vangheluwe ne tient pas de l’exception. Ainsi, l’ancien archevêque émérite de Washington, le cardinal Theodore Edgar McCarrick, a été renvoyé de l’état clérical par le pape François en 2019. À côté d’«actes immoraux avec des adultes», des faits de prédation sur mineur avaient été rapportés au Vatican. Des règles et des sanctions existent bel et bien en droit canon, encore faut-il qu’elles soient appliquées.

Des raisons diplomatiques

 Dans les colonnes du Soir, la vaticaniste Franca Giansoldati s’étonne que le Vatican ait décidé de procéder avec un tel retard. «On a l’impression que le Saint-Père a été, en quelque sorte, obligé de réagir face aux pressions exercées par les institutions et les médias belges ainsi que par les représentants locaux de l’Église. L’indignation manifestée par l’opinion publique a aussi représenté un autre élément déclencheur. L’affaire Vangheluwe est, en effet, vraiment abjecte», analyse-t-elle.

Lire aussi :

Un élément a sans aucun doute pesé lourdement dans la balance: un voyage papal de «un ou deux jours» est prévu en Belgique à l’occasion des 600 ans de l’Université catholique de Louvain fondée en 1425. Laisser Vangheluwe impuni aurait pu se transformer en un grave accident diplomatique. Un luxe que l’Église de Belgique, affaiblie et menacée de perdre une partie du soutien financier de l’État, ne peut se permettre.

Sur le même sujet